Les recommandations françaises invitent à prescrire un antibiotique chez les adultes et les enfants âgés de plus de 3 ans atteints d’une angine aiguë avec test de diagnostic rapide (TDR) positif (1). Chez les adultes, le TDR n’est réalisé qu’après calcul du score de Mac Isaac s’il est ≥ à 2 (1).
Les arguments français pour recommander une antibiothérapie en cas d’angine à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SGA) reposent principalement sur le risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA), les complications locales et la nécessité de limiter la contagiosité.
Le risque de RAA est < 1/100 000 angines en France métropolitaine, il concerne essentiellement les enfants âgés de 5 à 15 ans et est dû à des souches de streptocoques peu circulantes (2). Par ailleurs, les essais montrant un intérêt de l’antibiothérapie pour prévenir le RAA datent d’avant 1960 et étaient de faible qualité méthodologique (3,4).
Le risque de complications locales, comme le phlegmon, a été évalué par une méta analyse Cochrane. Celle-ci indique une réduction du risque de phlegmon passant de 1% sans antibiothérapie à 0,16% avec antibiothérapie. Cette revue était essentiellement basée sur une étude publiée en 1951 à haut risque de biais (4). Ainsi, les recommandations européennes ne considèrent pas la prévention des complications locales telles que les phlegmons comme une indication d’antibiothérapie, les bénéfices cliniques n’étant pas supérieurs aux risques (effets indésirables et antibiorésistance induite) (5).
La limitation de la contagiosité est le principal argument pour proposer une antibiothérapie selon les recommandations de nombreux pays, afin de limiter les infections invasives à streptocoques du groupe A (IISGA) (6). Toutefois, les données pour le démontrer formellement sont ténues : selon deux études, la durée du portage serait de 24-48h sous antibiothérapie, sans groupe témoin (7,8) ; une troisième étude a montré que 72% des patients non traités étaient toujours porteurs à 2 semaines contre 32% des patients traités pendant une semaine par pénicilline (9).
En France, une recrudescence des IISGA, dont le taux de mortalité est estimé à 20%, est signalée par le Centre national de référence depuis plusieurs années (10). L’incidence des IISGA est passée de 2,2/100 000 en 2003 à 4,4/100 000 en 2019 (11,12). Une diminution de l’incidence a été observée en 2020 et 2021, à 1,5/100 000 pendant l’épidémie de Covid-19, probablement en raison des mesures barrières (13). Cependant, une recrudescence a été observée en 2022 avec une incidence proche de celle de 2019 (14). La présentation clinique initiale de ces IISGA est ORL dans moins de 3% des cas chez les adultes, et dans moins de 20% des cas chez les enfants (10).
Les bénéfices cliniques individuels attendus de l’antibiothérapie sont de réduire l’intensité des maux de gorge au 3e jour : risque relatif (RR) = 0,70 ; IC95% = 0,60-0,80, sans améliorer la fièvre : RR 0,75 ; IC95% = 0,53-1,07 (4). Cet effet bénéfique doit être confronté aux risques d’antibiorésistance (15). À ce jour, il n’y a pas de preuve que l’utilisation d’amoxicilline induise des résistances aux SGA. En 2021, toutes les souches de SGA analysées en France étaient sensibles aux bêtalactamines (10). A l’inverse, une étude a montré que la consommation de pénicilline était associée à une augmentation du risque d’entérobactéries multirésistantes en cas d’infection urinaire dans les 3 mois (16).
Les recommandations belges et écossaises divergent de celles publiées en France par la SPILF (17-18). Les auteurs de ces recommandations préconisent de ne pas identifier la cause bactérienne ou virale, ni de prescrire un antibiotique chez un patient atteint d’une angine non compliquée. Ils considèrent que l’infection sera spontanément résolutive dans tous les cas. Les patients à risque de forme grave (immunodépression, antécédent de RAA, chirurgie prothétique récente, valvulopathie cardiaque avec risque d’endocardite, etc.) doivent faire exception et être traités d’emblée (17-19). Les prescriptions d’antibiotiques en soins primaires chez les enfants ont diminué en Belgique entre 2010 et 2019 (20). L’augmentation des IISGA ne semble pas plus importante en Belgique qu’en France malgré la recommandation belge dont les auteurs ont confirmé leur position au début 2023 (21).
En conclusion, devant un patient souffrant d’une angine, si la douleur est tolérable, sans risque de forme grave et que l’entourage du patient n’est pas à risque de forme grave en cas de contamination, il est raisonnable de ne traiter que par antalgiques, sans faire de TDR ni prescrire d’antibiotiques. Dans tous les autres cas, un TDR est légitime avec prescription d’antibiotique s’il est positif. L’évaluation clinique globale de la situation du patient est donc nécessaire pour poser l’indication du TDR et d’un éventuel traitement antibiotique qui ne doit pas dépendre que du résultat du test.
De nouveaux essais doivent être rapidement menés pour répondre aux interrogations sur la balance bénéfice/risque des antibiotiques dans l’angine. Ils permettraient d’argumenter et de mettre à jour de nouvelles recommandations pour la France.
nb la scarlatine nécessite une prescription d'antibiotiques