IST et addictions pour les prostituées
D’après le rapport d’information de l’Assemblée nationale présenté par Guy Geoffroy, 13 avril 2011.
Diverses enquêtes le montrent, l’usage de drogues et d’alcool est souvent le seul moyen pour les personnes prostituées de rendre leur activité supportable. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies relève, en 2003, 42 % de consommation régulière d’alcool chez les femmes prostituées et 79 % chez les hommes.
Ce chiffre s’élève à 70 % chez les personnes de plus de 45 ans. Le cannabis est essentiellement consommé par les personnes prostituées de sexe masculin : 56 % en consomment et 30 % se déclarent dépendants, d’après la même étude. Les psychotropes sont consommés à 20 % dans les deux sexes (un chiffre voisin de la population féminine générale) et les drogues dures à 5 %.
Les prostitués, qui sont à 80 % des femmes et des mineurs sous l’emprise du crime organisé (rapport de la fondation Scelles*, 27 janvier 2012), ont un état de santé globalement détérioré. Sont en cause les infections sexuellement transmissibles (IST), les conditions de vie, le défaut de suivi médical et la violence du milieu prostitutionnel en général. Les séquelles psychologiques accompagnent évidemment ce tableau, avec à la clé des dépendances multiples à la drogue et à l’alcool. De plus, cet état de santé défavorable s’accompagne d’un suivi médical des personnes en situation de prostitution largement défectueux. En cause : le statut administratif précaire, la barrière de la langue et la stigmatisation de ces personnes.
Infections sexuellement transmissibles
D’après Pierre Micheletti, délégué régional de Médecins du Monde à Grenoble, les IST les plus fréquentes liées à l’activité prostitutionnelle sont la blennorragie gonococcique, l’herpès, la chlamydiose, les hépatites B et C, les papillomavirus, la syphilis et le VIH. Toutefois, aucune étude épidémiologique de grande envergure n’a été réalisée sur ces personnes depuis la fin des années 1990. L’étude Prosanté, actuellement en cours, sur l’état de santé des personnes prostituées,réalisée par l’InVS, devrait permettre d’affiner ces chiffres. À noter aussi que les infections HPV et les lésions cancéreuses, relevées chez des femmes ayant en moyenne 21 ans dans une étude datant de 2004 (12 infections et 3 cancers sur 80 femmes étudiées), augmentent les risques de contamination au VIH.
Une situation alarmante, car les femmes jeunes sont les premières victimes de la prostitution : 75 % ont entre 13 et 25 ans, et 50 % des personnes concernées ont commencé la prostitution en étant mineures, l’âge moyen étant de 13 à 14 ans au niveau mondial (rapport Scelles). L’usage des préservatifs reste quant à lui difficile à quantifier. Si les femmes affirment, lors d’entretiens, l’utiliser à 100 % lors de rapports pénétrants, le Conseil national du sida estime au contraire que 10 à 50 % des clients demandent des rapports non protégés. Outre la situation de précarité multiple qui rend le refus difficile, le Conseil note aussi que l’absence de préservatif devient, depuis les années 2000, un argument mis en avant pour obtenir davantage de clients ou d’argent.
Stress post-traumatique
Le Dr Muriel Salmona (Bourgla- Reine) a montré que 60 à 80 % des personnes prostituées souffrent de troubles psychosomatiques sévères, un chiffre semblable aux sujets ayant subi des actes de torture et aux prisonniers politiques. L’étude de Farley et al. montre aussi que 68 % des personnes prostituées interrogées répondent aux critères d’un syndrome post-traumatique. Outre l’état dissociatif, celui-ci se manifeste par des attaques de panique, des crises d’angoisse, un état dépressif, des tentatives de suicide, des troubles du sommeil, des flash-backs, des migraines et des conduites à risque multiples. Cet état aggrave aussi les risques pour la santé, avec une anesthésie corporelle fréquente, retardant l’identification des signes d’alerte. "Le stress intense subi par ces personnes peut aussi induire des problèmes cardiovasculaires, pulmonaires et immunitaires", note le Dr Salmona.
Des violences généralisées
L’activité prostitutionnelle, en elle-même, est génératrice de violences qui ne sont pas sans conséquences sur la santé : viols récurrents, vols, violences et menaces avec une arme, coups, tentative d’étranglement, etc. L’étude de Melissa Farley et al. montre ainsi que respectivement 67, 59 et 50 % des personnes prostituées ont déjà subi plus de cinq viols au Canada, aux États-Unis et en Allemagne. Toutes les personnes prostituées interrogées déclarent avoir été insultées ou menacées. D’après un rapport de l’association Cabiria en 2009, la violence émane en premier lieu des prostitueurs ("clients"), suivis par les passants et, beaucoup plus rarement, les forces de l’ordre ou le conjoint. S’agissant de la violence des proxénètes, le cas de certaines jeunes femmes originaires d’Europe de l’Est est évocateur des réseaux de traite émanant du crime organisé. Un véritable "parcours de dressage" est infligé avec, à la clé, un paroxysme de violence. Au final, les personnes prostituées ont entre soixante et cent vingt fois plus de risque d’être assassinées ou battues que le reste de la population, d’après Maria Carlshamre, rapporteure d’un projet de rapport sur la prostitution et ses conséquences sur la santé des femmes dans l’Union européenne.