historique de la médecine générale depuis le 19ième siècle 1/5
En annexe 4 de la thèse "états des lieux et perspectives de la médecine générale dans le roannais" soutenue en décembre 2010, nous trouvons un excellent rappel sur l'histoire de la médecine générale en France que je vous livre sur plusieurs posts.
A.Les officiers de santé (1)
La révolution française, en signant la fin des corporations a supprimé en 1791 les trois facultés de médecine existant avant la révolution (Paris, Strasbourg et Montpellier). La menace du charlatanisme a rapidement conduit à la publication de textes exigeant la possession d'un titre pour exercer la médecine.
L’ambition sociale de la Révolution française s’est concrétisée par l’adoption du décret des 28 juin et 8 juillet 1793 relatif « à l’organisation des secours à accorder annuellement aux enfants, aux vieillards et aux indigents ». Ce texte d’une étonnante modernité avait prévu, dans son titre III, la création d’« agences de secours » dans les arrondissements. Ces agences, véritables administrations sociales, avaient pour mission de distribuer les secours que la Nation devait apporter aux plus nécessiteux. Ces secours n’étaient pas seulement financiers puisqu’il incombait à l’agence de « visiter ces citoyens dans leurs maladies ». À cet effet un article du décret avait institué des officiers de santé : « Il sera établi près de chaque agence un officier de santé chargé du soin de visiter à domicile et gratuitement tous les individus secourus par la nation, d’après la liste qui lui sera remise annuellement par l’agence ». Le texte précisait les obligations de l’officier de santé qui était « tenu de se transporter, sur le premier avis qui lui en sera donné par l’agence, chez le citoyen indigent qui aura besoin de ses secours ». De même il lui revenait « de faire, tous les mois, une visite générale chez les citoyens portés aux rôles de secours ». Enfin l’officier de santé était rémunéré par un traitement « fixé à cinq cents livres ». La volonté de mettre en place une médecine sociale et de proximité posait ainsi les jalons d’un service de santé d’État.(1)
Par un décret du 4 décembre 1794, des écoles de santé ont été instituées à Paris, Montpellier et Strasbourg puis à Caen en 1799, pour former ces officiers de santé. Avec le Consulat, les facultés de médecine ont pu rouvrir en 1803 et la même année une loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803) a établi un monopole d’exercice de la médecine par les médecins. Toutefois ce texte a posé le principe d’un double cursus médical (1).
Une première voie, prestigieuse, onéreuse et exigeante conduisait au doctorat en médecine. Les docteurs, formés par les écoles de médecine, transformées en facultés en 1808, disposaient d’une plénitude de compétence médicale leur conférant le droit d’exercer sur tout le territoire national. Une autre voie permettait d’exercer la médecine, à condition d’obtenir le brevet d’officier de santé. Ces officiers de santé d’un nouveau type devaient notamment permettre de répondre, au moins temporairement, aux besoins médicaux des campagnes qui ne pouvaient être couverts par les docteurs en médecine, en nombre insuffisant.
Pour devenir officier de santé, il fallait réussir un examen départemental à l’issue de trois ans d’études ou de cinq ans de pratique dans un hôpital, ou encore après six ans d’apprentissage auprès d’un docteur. Toutefois la compétence des officiers de santé était limitée à la médecine courante et au département correspondant à leur jury d’examen. À titre d’exemple, la pratique des actes chirurgicaux ne leur était pas interdite, par principe, mais ils ne pouvaient « pratiquer les grandes opérations chirurgicales que sous la surveillance et l’inspection d’un docteur » (1).
Les officiers de santé, dont Monsieur Bovary (2) demeure la figure de proue, constituaient ainsi le premier grade de la profession médicale. Leurs effectifs ont connu une croissance rapide puis le nombre des officiers de santé a décliné à partir du milieu du XIXème siècle et, en 1881, il y avait 14 846 médecins, 11 643 docteurs et seulement 3 203 officiers de santé.
Dès 1820, la question de l’évolution de la corporation des officiers de santé a été posée. Il a pourtant fallu attendre la loi Chevandier du 30 novembre 1892 (1) pour que les officiers de santé soient supprimés et que le monopole de l’exercice de la médecine par les docteurs soit institué. Son article premier marquait la fin d’un bras de fer séculaire entre les élites médicales et les pouvoirs publics sur l’organisation de la médecine en France : « Nul ne peut exercer la médecine en France s’il n’est muni d’un diplôme de docteur en médecine délivré par le Gouvernement français, à la suite d’examens subis devant un établissement d’enseignement supérieur médical de l’État ». C’est le même texte qui a légalisé le syndicalisme médical en autorisant les syndicats à poursuivre en justice les charlatans.