tribune de Claude Leicher
Stratégie
nationale de santé :
il est urgent d'organiser les soins
primaires dès 2013
Il n’y a pas que des lanceurs
d’alertes, il y a aussi des lanceurs de réformes ; celle du système de santé nous est proposée par le rapport du comité des sages présidé par Alain CORDIER. L’enjeu de cette réforme doit être
comparé à celle de Robert DEBRE qui a abouti à l’ordonnance du 30 décembre 1958, créant les centres hospitaliers et
universitaires (CHU).
La France a réussi en 1958 la
modernisation de son hôpital. Elle doit organiser maintenant les soins de santé primaires, qui dans leur définition internationale incluent les soins ambulatoires, la prévention, le dépistage et
l’éducation à la santé, organisés en proximité de la population et accessibles à tous. Socle de tout système de santé pour l’OMS, ces soins primaires décrits à Alma Ata en 1978 pour les pays non
développés, ont été longtemps regardés comme ne nous concernant pas en France, pays qui depuis 1958, se consacrait à sa médecine hospitalière, à sa recherche, avec de grands
succès.
Le
paysage a changé : extension des maladies chroniques, difficultés économiques, aggravation des inégalités sociales de santé (ISS) ont amené les déficits, sanitaires et financiers, à
s’accumuler : sept ans de différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre, des déficits financiers d’origine structurelle reportés sur nos arrières petits enfants. En cause,
l’organisation de l’offre de soins, l’absence d’attention aux ISS. Il faut donc une réforme d’ensemble, si l’on veut réduire les déficits cumulés qui sont d’abord
d’origine structurelle. C’est ce que nous propose le rapport CORDIER.
Recentrer le système de santé sur des soins primaires organisés en équipe autour de la fonction du médecin généraliste traitant, permettant d’organiser un parcours de santé coordonné pour chaque
personne, de lui proposer des démarches de préservation de sa santé, de coordonner les relations entre les intervenants, de ville, de l’hôpital.
Démarche initiée par le Premier
Ministre, Jean Marc AYRAULT ce rapport devrait naturellement être mis en œuvre par la ministre de la santé Marisol TOURAINE. Après 15 mois de gouvernement, un premier dossier sur les dépassements
d’honoraires qui peine à montrer un résultat tangible, il lui faut de toute urgence se consacrer à cette réforme d’ensemble, concrète et pragmatique. Il reste quatre ans à ce gouvernement pour
lancer ce chantier qui va durer des années. 2013, année des soins primaires, comme 1958 année des CHU ?
C’est
possible, si le courage politique l’emporte sur tout autre considération. Possible, car le fond de la démarche lancée par Jean Marc AYRAULT, c’est de commencer par « penser » le système de
santé, au lieu de se contenter d’un nouveau replâtrage des finances de l’assurance maladie. La cohérence d’ensemble proposée par le rapport CORDIER, c’est d’utiliser en le modernisant, le concept
des soins primaires, en équipe, comme base de l’organisation du parcours de soins et de santé de chaque personne. Ce consensus international a été adopté par les experts français, en témoigne le
rapport 2012 de la HAS, Haute autorité de santé, récemment publié. L’idée centrale, c’est que le parcours ne peut être un dispositif spécifique à chaque pathologie, réduisant chaque personne à sa
maladie, ce qui est incohérent à l’heure des polypathologies. C’est la raison de l’échec des réseaux par pathologies des années 1990, qui reproduisaient le modèle des soins hospitaliers
totalement inadapté pour les soins de ville : il faut une organisation des soins primaires qui prenne en charge l’ensemble des problèmes et utilisant en tant que de
besoin les ressources spécialisées ambulatoires et hospitalières intervenant à la demande et en articulation avec les soins primaires, organisés en équipes. Le principe de ces équipes a
été lancé par les centres, puis les maisons et pôles de santé pluri professionnels, qui connaissent un succès important.
Ce mode d’organisation doit être
facile d’accès, incitant la population à son usage en premier recours, permettant la coordination du parcours de santé et le « bon usage » de l’hôpital, une autre commande faite à ce
rapport. C’est pourquoi la possibilité de pratiquer le tiers payant intégral en soins primaires est attendue depuis 15 mois, un retard incompréhensible voire inadmissible
!
Ce
rapport propose également une réforme de la gouvernance politique du système de santé, pour mettre enfin de la cohérence dans les décisions des institutions. L’état et ses services
sont-ils prêts aux changements qu’ils demandent par ailleurs au pays ? Ou allons-nous assister encore une fois, à une guerre des services, chacun se battant pour garder SON territoire
?
Les acteurs des soins primaires,
attendent aussi qu’on leur donne la capacité de s’organiser selon les besoins de santé et les ressources sanitaires de chaque territoire : un contrat « territorial », comme le décrit ce rapport,
qui doit aussi décrire les relations de chaque équipe, avec les autres acteurs, l’hôpital, la PMI, la santé au travail, la santé scolaire, les acteurs sociaux. Signé avec l’ARS, il permettrait de
construire un dispositif souple, adapté. Ciblant enfin spécifiquement le problème des inégalités sociales de santé, ce rapport met en avant un problème majeur : la
France occupe pour les ISS, la dernière place dans l’Europe des 15. Ce problème qui concerne près de 50% de la population, s’aggrave. Les soins primaires sont un des moyens d’intervention pour
les ISS.
Les soins primaires doivent donc faire l’objet d’une priorité dans l’action du gouvernement : c’est LE point crucial de tout système de santé, et c’est LE point faible du
système de santé français du fait de l’absence d’investissement, culturel, social, financier dans ce domaine depuis 1958. C’est LE point important du rapport
CORDIER.
Jean Marc AYRAULT et Marisol TOURAINE
peuvent être assurés que le monde généraliste accompagnera la réforme CORDIER, ou mobilisera autour de lui toutes les énergies pour qu’il soit mis en œuvre. « Ce rapport est votre demande, il
relève donc de votre responsabilité de le mettre en œuvre sans aucun retard dans l’intérêt de toute la population. »
Claude
Leicher