Merci pour cet article qui reflète ce que je constate dans mon exercice de Médecin de famille

Publié le par alternativesenmedecinegenerale

Par Alfred Bernard - date de publication : 10 mai 2023 Image d'une montre Lecture : 15 minutes
Les polluants de l’air ambiant : des effets sanitaires longtemps sous-estimés

Selon les dernières données, les effets de la pollution de l’air surviennent à des niveaux d’exposition plus faibles que ce que l’on pensait et qui ne concernent pas seulement les systèmes respiratoire et cardiovasculaire.

Résumé

La pollution de l'air intérieur ou extérieur est désormais reconnue comme la plus importante menace environnementale pour la santé humaine. Il est actuellement bien établi qu’elle augmente à court ou long terme la mortalité respiratoire et cardiovasculaire. Cette surmortalité aiguë ou chronique est en grande partie due aux particules fines (PM2.5) et surtout à celles provenant de la combustion de la biomasse ou des combustibles fossiles.

On sait depuis longtemps que l’ozone et le dioxyde d’azote (NO2) sont des gaz oxydants toxiques pour les voies respiratoires inférieures avec pour effet, respectivement, d’exacerber l’asthme ou la bronchopneumopathie obstructive (BPCO) ou bien de favoriser la survenue d’infections respiratoires chez l’enfant.

Mais à la lumière des études épidémiologiques les plus récentes, il apparaît que les effets sanitaires de la pollution de l’air ont été doublement sous-estimés. Les effets respiratoires ou cardiovasculaires du dioxyde d’azote, mais également des PM2.5, surviennent à des niveaux d’exposition bien plus faibles que ce que l’on croyait. Par ailleurs, il est de plus en plus évident que les polluants de l’air peuvent exercer leur action toxique au-delà des systèmes respiratoire et cardiovasculaire provoquant notamment des troubles du système nerveux central, du métabolisme glucidique et du système reproducteur de la femme et de l’homme.

La prévention de ces risques repose essentiellement sur la réduction des émissions de polluants de l’air, car au niveau individuel, hormis une abstention d’activités sportives ou un confinement à l’intérieur (ozone) lors des épisodes de pollution, les moyens de protection sont très limités. 

 La pollution de l'air intérieur ou extérieur est désormais reconnue comme la plus grande menace environnementale pour la santé humaine.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la pollution de l'air ambiant provoque chaque année entre 4 et 9 millions de décès prématurés dans le monde. Ces décès prématurés sont en grande partie causés par des cardiopathies ischémiques et des accidents vasculaires cérébraux, des maladies pulmonaires obstructives chroniques ou des infections aiguës des voies respiratoires inférieures.

Même si au niveau de l’Union européenne, le bilan des décès prématurés dus à la pollution particulaire de l'air ambiant a diminué de 45 % entre 2005 et 2020, ce bilan reste encore très lourd avec environ 250 000 décès par an [1].

Cette surmortalité est en grande partie due à l'inhalation de particules fines d'un diamètre inférieur ou égal à 2,5 microns (µm) (PM2.5, PM pour matières particulaires [particulate matter]).

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a conclu que la pollution de l'air ambiant est cancérogène pour l'homme, la pollution par les PM2.5 étant étroitement associée à un risque accru de cancer du poumon [23]. Ces conclusions soulignent l’importance de mettre en œuvre des politiques efficaces pour réduire l'exposition humaine à la pollution atmosphérique, et en priorité l'exposition aux particules fines.

Au cours des dernières années, un nombre croissant d’études épidémiologiques a montré que la pollution de l'air ambiant provoque des effets délétères à des niveaux d'exposition beaucoup plus faibles que prévu. En septembre 2021, l'OMS a publié une révision des valeurs guides (aussi appelées lignes directrices) de qualité de l'air ambiant pour les PM2.5, les PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 µm), l'ozone et le dioxyde d'azote (NO2). Les nouvelles valeurs guides sont beaucoup plus strictes que les précédentes (cf. Tableau). C’est tout particulièrement le cas pour les PM2.5 et le NO2 dont les valeurs guides annuelles sont respectivement 2 et 4 fois inférieures à celles établies en 2005.  

L'objectif de cet article est de décrire de façon succincte les multiples effets sanitaires des PM, de l'ozone et du NO2, qui sont les polluants de l’air les plus dommageables pour la santé. Il existe une énorme quantité de données concernant l'impact sanitaire de ces trois polluants avec des centaines d'études expérimentales ou épidémiologiques publiées au cours des dernières décennies. Par conséquent, cet article s’appuiera en grande partie sur les dernières revues de la littérature et évaluations de risque menées par les organismes internationaux (OMS, Environmental Protection Agency [EPA]) [4, 56].

 

Matières particulaires (PM)

Sources, exposition et types de PM

Les matières particulaires (PM) sont un terme générique désignant des mélanges complexes de substances organiques et inorganiques qui sont en suspension dans l'air sous forme de particules solides ou liquides. La composition des PM et, par conséquent, leurs propriétés toxiques, varient considérablement selon le lieu, la source et la saison.

Les principaux composants des PM sont l'ammonium, le sulfate, le nitrate, la matière carbonée élémentaire, la matière carbonée organique, le sodium et le silicium. Les PM contiennent également divers éléments traces qui peuvent être utilisés comme indicateurs de leur source d'émission.

Les PM peuvent être émises directement dans l'air (PM primaires) ou se former de novo (PM secondaires) par transformation et nucléation de polluants gazeux, notamment les oxydes d'azote (NOx), les oxydes de soufre (SOx) et les composés organiques volatils (COV).

Dans les environnements urbains ou industriels, les particules primaires et les précurseurs des particules secondaires proviennent principalement de sources anthropiques telles que les véhicules à moteur, les activités industrielles ou le chauffage des bâtiments.

Les particules présentes dans l'air ambiant sont classées en fonction de leur diamètre aérodynamique moyen déterminé par leur vitesse de sédimentation dans l’air. Les PM2.5 et PM10 correspondent à la masse des particules (généralement exprimée en µg/m3) dont le diamètre aérodynamique moyen est égal ou inférieur, respectivement, à 2,5 et 10 µm. Les PM10 comprennent donc les particules dites fines (PM2.5) et les particules dites grossières dont le diamètre est compris entre 2,5 et 10 µm (PM2.5-10). Les particules ultrafines ou nanométriques (UFP) ont un diamètre aérodynamique compris entre 1 et 100 nm (0,001- 0,1 µm).

Cette distinction entre particules fines et grossières est établie en fonction du site de dépôt des particules le long des voies respiratoires et donc de leurs effets délétères sur la santé. Alors que les particules grossières (PM2.5-10) se déposent principalement dans les voies respiratoires supérieuresles PM2.5 ainsi que les particules ultrafines peuvent atteindre et se déposer dans le poumon profond où elles peuvent traverser les barrières épithéliales, pénétrer dans le système sanguin et être distribuées aux organes internes.

De nombreux travaux menés initialement aux États-Unis, puis dans le reste du monde, ont largement décrit les effets cardiorespiratoires à court ou à long terme des PM2.5, sur la base d’associations qui sont désormais considérées comme causales.

Des études épidémiologiques récentes suggèrent également que l'exposition à long terme aux PM2.5 peut entraîner des effets en dehors de la sphère cardiorespiratoire, par exemple sur le système nerveux central (troubles cognitifs, démence).

La causalité de toutes ces associations avec les PM2.5 est étayée par des études toxicologiques, par l'existence de fortes relations exposition-réponse et/ou par le fait que les estimations de risque restent relativement inchangées ou même sont renforcées après ajustement pour l'exposition aux autres polluants (O3, NO2, SO2 et PM2.5-10).

En revanche, les preuves reliant les effets sanitaires à l'exposition aux particules grossières sont considérées comme inadéquates ou insuffisantes pour conclure à des relations de causalité. C'est également le cas des associations observées avec l'exposition aux particules ultrafines, pour lesquelles aucune relation exposition-réponse n'a à ce jour été établie.

Pour ces raisons, les PM2.5 sont reconnues comme largement responsables de la morbidité et de la mortalité attribuables à la pollution par les PM.

Un autre point important à prendre en considération est qu'il n'existe aucune preuve épidémiologique de l’existence d’un seuil en dessous duquel les PM2.5 n'augmenteraient pas la mortalité aiguë ou chronique. Les normes et les lignes directrices, ainsi que les mesures d'atténuation de la pollution, doivent donc viser à atteindre l'exposition humaine aux PM2.5 la plus faible possible. 

Effets à court terme

De nombreuses études épidémiologiques montrent que l'exposition à court terme aux PM2.5 :

  • augmente le risque de complications respiratoires, en particulier l'exacerbation d'un asthme ou d'une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), à l’origine d’une augmentation des passages aux urgences, des admissions à l'hôpital ou de la consommation de médicaments.
  • accroît la mortalité cardiovasculaire et respiratoire. Par exemple, un travail récent, mené sur des cohortes dans sept pays européens, a révélé une augmentation de la mortalité cardiorespiratoire de 5 % par incrément de 5 μg/m3 de la concentration des PM2.5 dans l’air ambiant [3].

La surmortalité cardiovasculaire associée aux PM2.5 est immédiate et se produit dans les 24 heures. En revanche, la surmortalité respiratoire à court terme associée aux PM2.5 est généralement observée dans un délai de 0 à 5 jours.

Effets à long terme

Des études épidémiologiques récentes montrent que l'exposition à long terme aux PM2.5 altère le développement des poumons chez les enfants ; elle augmente le risque de développer un asthme ou de présenter des symptômes d’asthme (respiration sifflante). Chez les adultes, elle accélère également le déclin de la fonction respiratoire avec l'âge.

Il existe suffisamment de preuves épidémiologiques pour conclure qu'à long terme, les PM2.5 augmentent la mortalité cardiovasculaire et respiratoire. Plus récemment, des études épidémiologiques et toxicologiques ont fourni des preuves cohérentes selon lesquelles l'exposition à long terme aux PM2.5 peut avoir des effets neurologiques tels que des altérations cognitives et des signes de démence. De plus, un nombre croissant de travaux suggère que l'exposition chronique aux PM2.5  augmente le risque de diabète [7] et réduit la fertilité masculine et féminine [89] à long terme.

Publié dans Pensées d'actualité

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